Avez-vous déjà eu le sentiment de payer trop cher pour le chauffage alors que votre loyer était censé être « charges comprises » ? Nombreux sont les locataires qui découvrent, parfois à leurs dépens, la complexité du système locatif. Le terme « charges comprises » peut sembler simple au premier abord, mais il recouvre une réalité bien plus nuancée.

Maîtriser la notion de charges comprises est primordial, tant pour les locataires que pour les propriétaires. Une interprétation erronée peut mener à des litiges, des malentendus et des dépenses imprévues. En tant que locataire, vous devez connaître précisément ce qui est inclus dans votre loyer et comment les charges sont calculées. En tant que propriétaire, vous devez être au fait de vos obligations en la matière et des règles à suivre pour refacturer les dépenses à vos locataires en toute légalité. Ce guide a pour ambition de vous accompagner à travers le labyrinthe des charges locatives, en toute sérénité.

Décortiquer les charges comprises : qu’est-ce qui est inclus ?

Un loyer « charges comprises » (LCC) englobe à la fois le loyer de base et une provision pour les charges locatives. Il s’oppose au loyer « hors charges » (HC), qui ne couvre que le montant du loyer en lui-même. Les charges locatives englobent les dépenses engagées par le bailleur pour assurer le bon fonctionnement et l’entretien de l’immeuble, de ses équipements et des espaces communs. Ces dépenses, sous conditions, peuvent ensuite être refacturées au locataire. Cette modalité tarifaire a vu le jour dans un souci de simplification de la gestion locative et pour éviter aux locataires des factures imprévisibles.

Les charges récupérables : le cœur du sujet

Les charges dites « récupérables » désignent les dépenses que le propriétaire est autorisé à refacturer à son locataire. Ces charges sont strictement réglementées par la loi et les textes en vigueur, notamment le décret n°87-713 du 26 août 1987, qui dresse la liste exhaustive des charges pouvant être refacturées. Il est donc indispensable de se référer à ce texte législatif pour connaître avec exactitude les types de charges qui peuvent vous être demandées. Le bailleur ne peut en aucun cas imposer le paiement de dépenses qui ne figurent pas explicitement dans ce décret. Vous pouvez consulter le Décret n°87-713 du 26 août 1987 sur Légifrance.

Ces charges se répartissent en plusieurs grandes catégories, que nous allons détailler ci-dessous avec des exemples concrets pour une meilleure compréhension :

  • Entretien des parties communes : Cela comprend le nettoyage et l’entretien des escaliers, des couloirs, des halls d’entrée, l’éclairage des espaces communs, ainsi que les menues réparations (remplacement d’ampoules, réparation de serrures…). Le coût du contrat d’entretien de l’ascenseur, par exemple, est une charge récupérable, tout comme le salaire versé au personnel de ménage.
  • Services collectifs : Il s’agit des services dont bénéficient l’ensemble des occupants de l’immeuble, comme l’ascenseur (son entretien et sa consommation électrique), le service de gardiennage, ou encore l’entretien des espaces verts. Les dépenses liées à la tonte de la pelouse, à la taille des haies et, plus généralement, à l’entretien des jardins sont également considérées comme des charges récupérables.
  • Taxes et redevances : La principale taxe récupérable est la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Son montant est calculé en fonction de la valeur locative du logement.
  • Chauffage et eau chaude collectifs : Si l’immeuble est équipé d’un système de chauffage et de production d’eau chaude collectifs, les coûts liés à l’énergie (gaz, fioul…) ainsi que les frais d’entretien des installations sont des charges récupérables. La répartition de ces coûts se fait généralement au prorata des tantièmes détenus par chaque lot de copropriété.
  • Consommation d’eau froide : Si les logements ne sont pas équipés de compteurs d’eau individuels, la consommation d’eau froide est répartie entre les différents locataires, généralement au prorata du nombre d’occupants par logement. Les frais liés à la distribution et à l’assainissement de l’eau sont également inclus.
Type de Dépense Description Mode de Calcul Exemple
Entretien des parties communes Nettoyage, éclairage, petites réparations Au prorata des tantièmes ou au nombre d’occupants Contrat de nettoyage : 1200€/an pour un immeuble de 10 lots, soit 120€/an par lot si répartition égale.
Ascenseur Entretien, électricité Au prorata des tantièmes ou au nombre d’occupants (si l’ascenseur dessert tous les étages) Contrat d’entretien ascenseur : 2000€/an pour un immeuble de 20 lots, soit 100€/an par lot si répartition égale.
Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) Collecte et traitement des déchets Liée à la taxe foncière et refacturée au locataire TEOM : 300€/an pour un appartement donné.
Chauffage collectif Coût de l’énergie, maintenance des installations Consommation réelle (si individualisation), prorata des tantièmes, ou combinaison des deux. Facture de gaz : 10 000€/an pour un immeuble de 50 lots.
Eau froide Distribution et assainissement Nombre d’occupants Facture d’eau : 2000€/an pour 10 lots, en moyenne 200€/an.

Ce qui n’est PAS inclus : mieux anticiper les dépenses

Il est tout aussi crucial de connaître les dépenses qui ne sont pas incluses dans les charges récupérables. En effet, certaines dépenses incombent exclusivement au propriétaire et ne peuvent, en aucun cas, être refacturées au locataire. On distingue notamment les charges non récupérables, les dépenses à caractère individuel et les impôts et taxes liés à la propriété.

  • Charges non récupérables : Il s’agit des dépenses qui ne profitent pas directement au locataire, comme les travaux importants de rénovation ou de réparation (remplacement de la toiture, ravalement de façade), les honoraires versés au syndic de copropriété ou à un gestionnaire locatif, ou encore les primes d’assurance du propriétaire. Ces frais sont considérés comme étant liés à la gestion et à la valorisation du patrimoine immobilier du bailleur.
  • Dépenses à caractère individuel : Les consommations propres à chaque logement (électricité, gaz, eau froide si le logement est équipé d’un compteur individuel) restent à la charge du locataire, même dans le cadre d’un loyer « charges comprises ». Ces consommations sont directement liées à l’usage personnel du logement et ne sont donc pas considérées comme des charges collectives.
  • Impôts et taxes liés à la propriété : La taxe foncière, ainsi que les assurances souscrites par le propriétaire, demeurent à sa charge exclusive et ne peuvent être imputées au locataire. Ces impôts et taxes sont liés à la propriété du bien et non à son utilisation.

Fonctionnement concret des charges comprises : transparence et régularisation

Le système des charges comprises s’articule autour de deux mécanismes essentiels : le provisionnement mensuel et la régularisation annuelle. Le provisionnement mensuel permet d’étaler le paiement des charges sur l’ensemble de l’année. La régularisation annuelle, quant à elle, permet d’ajuster les provisions versées en fonction des dépenses réelles.

Le provisionnement mensuel : une estimation préalable

Le principe du provisionnement est simple : le propriétaire avance, chaque mois, en sus du loyer, une somme forfaitaire destinée à couvrir les charges locatives. Le montant de cette provision est déterminé sur la base d’une estimation des charges de l’année précédente ou du budget prévisionnel de la copropriété. Il est essentiel de comprendre que cette somme n’est qu’une évaluation, et qu’elle peut varier en fonction des dépenses réelles constatées.

L’estimation des charges peut reposer sur différentes méthodes. Le propriétaire peut s’appuyer sur l’historique des dépenses des années précédentes, sur le budget prévisionnel voté en assemblée générale de copropriété, ou encore sur des estimations basées sur des biens similaires. Une communication transparente de la part du propriétaire concernant la méthode de calcul utilisée est vivement recommandée. Cette transparence est un gage de confiance et contribue à prévenir d’éventuels différends.

La régularisation annuelle : le bilan des comptes

La régularisation annuelle est l’étape où l’on fait les comptes. Une fois par an, le propriétaire est tenu de communiquer à son locataire un décompte précis des charges réelles, c’est-à-dire le montant total des dépenses engagées au cours de l’année écoulée. Le locataire dispose alors du droit de consulter l’ensemble des pièces justificatives (factures, contrats de maintenance…) afin de vérifier la conformité du décompte qui lui a été transmis. L’exercice de ce droit fondamental est fortement conseillé à chaque locataire.

La comparaison entre les provisions versées et les charges réelles permet de déterminer si un remboursement ou un complément de paiement est nécessaire. Si le montant des provisions excède le montant des charges réelles, le propriétaire doit restituer le trop-perçu au locataire. À l’inverse, si les provisions sont inférieures aux dépenses effectives, le propriétaire est en droit de demander au locataire un complément de paiement.

Pour contrôler le décompte des charges, il est recommandé de comparer attentivement les montants facturés avec les justificatifs fournis, de vérifier la justesse de la répartition des charges entre les différents locataires, et de s’assurer que les dépenses refacturées sont bien des charges récupérables au sens de la loi. En cas de désaccord, il est conseillé de prendre contact avec le propriétaire par courrier recommandé avec accusé de réception afin de lui faire part de vos observations. En l’absence de réponse satisfaisante, vous pouvez saisir la commission départementale de conciliation, ou, en dernier recours, engager une action en justice auprès du tribunal compétent.

Cas particuliers : chauffage et eau chaude collectifs

Le chauffage et la production d’eau chaude collectifs soulèvent des problématiques spécifiques en matière de charges locatives. En effet, il est souvent difficile d’évaluer avec précision la consommation réelle de chaque logement. C’est pourquoi la loi impose, dans certains cas, l’individualisation des frais de chauffage et d’eau chaude.

L’individualisation des frais de chauffage est rendue obligatoire dès lors qu’elle est techniquement réalisable et économiquement viable. Ce dispositif permet à chaque locataire de maîtriser sa consommation énergétique et de ne payer que ce qu’il consomme réellement. La répartition des frais de chauffage peut se faire selon différentes méthodes : soit en fonction de la consommation réelle (grâce à des compteurs individuels), soit selon une répartition combinant une part fixe et une part variable, calculée en fonction de la surface du logement et de sa localisation. Il est important de connaître la méthode appliquée et de relever régulièrement les index de son compteur afin d’éviter les mauvaises surprises lors de la régularisation annuelle. Selon l’ADEME, en 2023, environ 60% des immeubles collectifs en France étaient équipés de systèmes d’individualisation des frais de chauffage. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ ADEME .

Avantages et inconvénients des charges comprises

Le choix d’un loyer « charges comprises » présente des atouts et des inconvénients, tant pour le locataire que pour le propriétaire. Il est donc essentiel de bien peser le pour et le contre avant de prendre une décision.

Pour le locataire

Le principal avantage pour le locataire réside dans la simplification de la gestion budgétaire. Le locataire connaît à l’avance le montant total de son loyer, et n’a pas à se soucier des potentielles variations des charges d’un mois à l’autre. Cela peut s’avérer particulièrement appréciable pour les personnes disposant d’un budget limité. De plus, le locataire est théoriquement protégé des mauvaises surprises (sauf en cas de régularisation importante). Cette prévisibilité est source de tranquillité.

Néanmoins, le système des charges comprises présente aussi des points faibles. Le manque de transparence sur la nature des dépenses réelles peut être une source de frustration. Le locataire peut avoir l’impression de payer plus que sa consommation réelle, notamment s’il adopte un comportement éco-responsable et maîtrise sa consommation d’énergie. De plus, il est difficile de contrôler les charges et de s’assurer qu’elles sont utilisées à bon escient, ce qui peut engendrer un sentiment de perte de contrôle.

Pour le propriétaire

Pour le propriétaire, l’intérêt principal est la simplification de la gestion locative. Il n’a pas à recouvrer les charges auprès de chaque locataire, ce qui représente un gain de temps et une diminution du risque d’impayés. Par ailleurs, un loyer « charges comprises » peut constituer un argument commercial attractif pour attirer les locataires, dans un marché locatif souvent concurrentiel.

Cependant, ce système présente aussi des inconvénients pour le bailleur. Il doit avancer le montant des charges, ce qui peut impacter sa trésorerie. La gestion administrative des charges peut s’avérer complexe et chronophage. Enfin, il existe un risque de sous-estimer le montant des charges et, par conséquent, de voir sa rentabilité locative diminuer. Il est donc primordial d’évaluer soigneusement les charges avant de fixer le montant du loyer.

Type de Consommation Moyenne Nationale Annuelle
Consommation d’eau par personne 53 m³ ( Source: Centre d’Information sur l’Eau )
Consommation d’énergie pour le chauffage (moyenne) 110 kWh/m²/an ( Source : ADEME )

Conseils et recommandations utiles

Pour éviter les litiges et les mauvaises surprises, il est conseillé de prendre certaines précautions avant, pendant et après la signature du contrat de location.

  • Avant de signer le bail : Lisez attentivement le contrat de location, en particulier les clauses relatives aux charges. Demandez des informations complémentaires sur les dépenses (historique, budget prévisionnel). Essayez de négocier le montant des provisions, si cela vous semble justifié.
  • Pendant la durée du bail : Suivez de près votre consommation d’eau et d’énergie. Conservez précieusement tous les justificatifs de paiement. Si possible, participez aux assemblées générales de copropriété pour suivre la gestion de l’immeuble.
  • En cas de litige : Privilégiez toujours le dialogue avec le propriétaire. En l’absence d’accord, envoyez une lettre de mise en demeure par courrier recommandé. Si le litige persiste, saisissez la commission départementale de conciliation, puis, en dernier recours, le tribunal compétent. Vous pouvez obtenir de l’aide auprès de l’ ANIL (Agence Nationale pour l’Information sur le Logement) .

Pour une location en toute sérénité

En définitive, la notion de charges comprises est une question complexe, mais essentielle pour une gestion locative sereine et maîtrisée. Comprendre ce qui est inclus, le mécanisme de la régularisation et les droits et devoirs de chacun permet de limiter les conflits et de vivre une expérience locative positive. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter le site service-public.fr, ou à vous renseigner auprès d’un professionnel du droit.